14-17 juin 2021 Montpellier (France)
La femme et les traditions orales : Cas de l'Ajmak d'Achtouken (Sud-ouest marocain)
Rachid Baalla  1@  
1 : Equipe de Recherche Arts et Culture Amazighs ; Faculté des Lettres et des Sciences Humaines ; Université Ibn Zohr ; Agadir

Le patrimoine immatériel du territoire du Souss Massa (sud-ouest marocain) est caractérisé par une grande richesse en matière de traditions orales. La communication proposée porte sur la représentation de la femme dans l'ajmak comme genre cantatoire collectif bien connu chez les Achtouken (sud-ouest marocain).

De par ses fonctions dans la transmission des valeurs socioculturelles et du droit coutumier avec une dimension didactique, informative et de divertissement dans le traitement de divers sujets touchant à la société, à la religion et l'actualité, l'ajmak a un rôle important dans l'élaboration et la pérennisation des représentations sociales. En focalisant la représentation de la femme, la poétique régionale de l'ajmak, produite essentiellement par des hommes, vient façonner une structuration sociale et légitimer des représentations de la femme pour assurer leur pérennité dans les limites du territoire que le sentiment d'appartenance défendu nous indique. L'intérêt vient du fait que les femmes sont de simples réceptrices de cette poétique qui donnent naissance également à des représentations de la femme par les femmes elles-mêmes. La poétique permet ainsi de reproduire et de renforcer une domination déjà établie, au nom de la religion ou de la supériorité de l'homme, pour assurer sa pérennité par une mise en discours, une sémantique légitimante et une didactisation maligne de la poésie et des proverbes régionaux. Nous retrouvons certes les mêmes représentations de la femme ailleurs sous d'autres formes langagières et poétiques, mais la référence dans l'ajmak à une appartenance et une identité régionales et une mémoire collective locale rend spécifique le rapport entre les pratiques langagières et poétiques de l'ajmak et la femme chez les Achtouken.

L'institution familiale chez les Achtouken, tout comme celle des autres tribus qui relèvent des Ichelḥiyn, est une institution patriarcale où les hommes détiennent l'autorité de leurs foyers. Largement contestée par les organisations féministes depuis les années soixante-dix, cette organisation sociale est toujours maintenue chez les Achtouken et la transmettent d'une génération à l'autre grâce à l'ajmak entre autres formes de transmission socioculturelles.

Toutefois, le conservatisme des Achtouken n'empêche pas la contribution de la femme même indirectement : taddalt est une séquence d'Ajmak durant laquelle un poète, déguisé en femme, est opposé à un autre poète dans une joute verbale à la fois rhétorique, sarcastique et satirique et traitent généralement la thématique du choix du conjoint et celle des conflits conjugaux à l'allure farcesque.

Les poètes sont conscients de la place centrale qu'occupe la femme dans la société et que son entrave est principalement liée à la notion de la décence lḥcmat (Lortat-Jacob, 1980, 22)[1].

A la lumière d'une approche ethnolinguistique d'un corpus de textes de l'ajmak, notre objectif est d'identifier comment la femme est représentée, les moyens utilisés pour instaurer et légitimer cette représentation.

Notre communication s'étalera sur trois points essentiels à savoir : (i) une brève présentation de l'ajmak et (ii) du lexique renvoyant à la femme dans le parler local et (iii) une analyse des représentations de la femme dans le corpus collecté.

Par rapport aux axes du colloque et en fonction des éléments investis dans les textes poétiques analysés, cette communication touchera les thématiques suivantes : langue, territoires et conflit sociaux / droit des femmes / éducation / identité / littérature / religion et imaginaire.


[1] Bernard Lortat-Jacob, Musique et fêtes du Haut Atlas, Ed. Société française de musicologie, Paris, 1980, P.22.


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