14-17 juin 2021 Montpellier (France)
L'ombre de l'éolienne ou le territoire et son double... Face à « Notre bouche » : la pratique du huave (ombeayiüts) comme forme de résistance à la spoliation territoriale
Jean-Léo Léonard  1@  
1 : Dipralang
LabEx EFL : LabexEFL

L'ombeayiüts ou huave (env. 18 000 locuteurs en 2015) est un isolat méso-américain, dont l'aire (le territoire des géolinguistes) est située au sud-ouest de l'Etat de Oaxaca, au Mexique, dans l'Isthme de Tehuantepec, district de Juchitán – une région aujourd'hui particulièrement frappée par la prédation néolibérale, puisque les investisseurs multinationaux en « énergie verte » ont décidé de s'approprier les lagunes, unique moyen de subsistance des populations ikoots (Huave), vivant principalement de la pêche, pour y installer un parc d'éoliennes[1].

Les conflits entre autorités communales « clientes » des compagnies éoliennes – en outre accusées de fraude électorale à diverses occasions – et autorités « traditionnelles » élues selon le système des « Us et Coutumes », notamment à San Dionisio del Mar (SD) et à San Mateo del Mar (SM), ont conduit tout au long de la décennie passé, à dédoubler la gouvernance municipale, aboutissant à un blocage de fait de l'autorité politique et de l'aménagement du territoire.

En nous basant sur nos observations de terrain (projet ESOmbey – Estudio sociolingüístico del Ombeayiüts, IUF–, réalisé en 2012, croisant enquêtes dialectologiques et ateliers d'écriture et d'élaboration de matériaux pédagogiques dans trois variétés : SM, SF et SD, cf. http://axe7.labex-efl.org/node/329 pour SF) et des travaux d'anthropologues (Cuturi 2003, Cuturi & Gnerre 2008, et travaux récents de Cristiano Tallé), nous montrerons comment l'histoire sociolinguistique récente explique les dynamiques actuellement observables de conflit interne et externe à la communauté huave, en relation avec le territoire et la territorialité, à travers le prisme du conflit des éoliennes.

Nous utiliserons à cet effet deux modèles théoriques : d'une part, l'épistémologie et praxis des ateliers d'écriture en langues indigènes du LabEx EFL (Léonard & Avilés Gonzalez 2015, 2019) en ce qui concerne l'approche des pratiques écrites et orales du huave, d'autre part le “Modèle de pressions” (MP) de Roland Terborg et son équipe de jeunes chercheurs de l'UNAM[2], inspiré par la sociolinguistique “socio-cognitive” (SSC) de Bastardas i Boada (2013) – ou Ecole de Barcelone. Ces deux modèles (MP et SSC) se distinguent par l'acuité de leurs outils d'observation du conflit social, géopolitique et glottopolitique, en plaçant au centre de l'analyse les pressions de l'environnement socio-économique, idéologique et politique, au-delà des questions relatives à l'ontologie des langues ou aux essentialismes identitaires, qui sont des objets d'étude cruciaux dans le paradigme de la “sociolinguistique critique” (Heller & al. 2017).

[1] Les conséquences pour la population ikoots (huave) sont d'ores et déjà dramatiques : expropriations, intimidation et répression des organisations civiles luttant contre cette dépossession et, plus récemment, massacres comparables à celui d'Acteal... Un gouvernement alternatif (selon le modèle Usos y Costumbres) a été mis en place à San Mateo del Mar, et les autorités ayant autorisé à San Dionisio del Mar l'implantation des éoliennes ont été destituées par la population, en 2012. Lors de nos enquêtes de terrain de septembre 2012, la situation était déjà très tendue, et la zone rappelait par de nombreux aspects la « guerre de basse intensité » des hautes terres du Chiapas.

[2] Voir les nombreux travaux accessibles en ligne sur la page http://dla.cele.unam.mx/politica/inreriores/publicaciones_presiones.html qui illustrent la méthode.


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