14-17 juin 2021 Montpellier (France)
Le territoire « orwellien » par-delà l'Océanie: les «petites choses», quelques vertus anglaises et les mots pour les dire
Diana Cretu Millogo  1@  
1 : Formes et représentations en linguistique, littérature et dans les arts de l'image et de la scène
Université de Poitiers : EA3816

De plus en plus d'articles journalistiques, complétés par des émissions de télévision attribuent à George Orwell un « territoire » de prédilection, celui de l'absence quasi-totale de liberté de parole et/ou de pensée. Cela est révélateur du fait qu'Orwell est plébiscité et acclamé comme celui « qui a vu juste », qui a décrit les desseins des despotes et autres tyrans avec une lucidité déconcertante. L'Océanie conformiste, triste et à jamais en guerre semble vouloir se réincarner, d'où le succès de certaines théories du complot, entre autres. Cet angle de vue est courant aussi bien en Europe, qu'aux États-Unis. Néanmoins, aussi saisissant soit-il, ce territoire de désolation n'est pas le seul qui puisse définir l'identité d'Orwell en tant qu'écrivain anglais, soucieux de s'exprimer sur la morale, l'éthique, la politique ou l'avenir de l'humanité. Ces sujets, aux côtés de tant d'autres, sont au cœur de l'une des œuvres maîtresses d'Orwell, à savoir les Collected Essays, Journalism and Letters-CEJL (1970, 1ère éd. 1968) qui réunissent en quatre volumes ses essais, articles, lettres, chroniques hebdomadaires, fragments de journal intime et recensions.

Il nous semble ainsi important d'accorder de l'attention à cette autre terre d'Orwell, son refuge à toute épreuve, l'Angleterre de ses essais, qui se trouve être sous les bombes, mais aussi à l'abri des maux. Il s'agit d'un territoire où les espaces naturels sont de véritables formes de césure qui se suffisent à eux-mêmes. Un petit crapaud au début du printemps, une grive ou un champ de houblon font figure d'antidotes à la guerre ou aux problèmes socioéconomiques. D'où notre intérêt pour quelques essais des CEJL, dont « Some Thoughts on the Common Toad », « A good Word for the Vicar of Bray » ou « Hop-Picking ». Cet amour de la nature simple, libre et libérée des télécrans de surveillance se confirme d'ailleurs même dans 1984, notamment au niveau de la description de l'endroit où se rencontrent enfin Julia et Winston Smith, envers et contre tous les Big Brother.

Mais plus encore, ce sont un ensemble de symboles et de valeurs ou de vertus qui dessinent chez Orwell un « chez soi », un territoire où les Anglais, quelle que soit leur classe sociale, se retrouvent et se reconnaissent.

 Au cœur de notre réflexion se trouvera donc l'analyse du travail soigneux sur les symboles, corroboré par une argumentation efficace. Quels mots et quels symboles, quelle(s) identités font l'unicité de l'Angleterre d'Orwell ?

Pour mieux les appréhender, nous analyserons quelques extraits d'essais tels que « The Lion and the Unicorn », par exemple, essai capital où prend forme un patriotisme typiquement anglais, dominé par une série de « petites choses », contribuant toutes à créer l'impression d'être « à la maison ».

Nous verrons également comment des éléments à première vue banals (une hirondelle, ou la manière de préparer une bonne tasse de thé) deviennent sous la plume d'Orwell tout aussi importants que l'hymne national ou l'attachement aux valeurs de liberté ou de justice.

Quid de la littérature assiégée par l'idéologie ou la propagande totalitaire ? Nous pouvons légitimement nous demander comment Orwell distille des suggestions et donne de l'espoir à ce propos. Une fois de plus, il semble que le rôle premier revient à la liberté et à la créativité individuelle et collective (par exemple dans l'essai « New Words »).

Nous espérons ainsi esquisser les lignes qui font voir un territoire anglais consensuel, une sorte de port d'attache de l'écrivain/artiste engagé à la Orwell, peuplé de fleurs et de petits animaux, entre une cabine téléphonique rouge et l'éternelle liberté individuelle.


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