14-17 juin 2021 Montpellier (France)
Décloisonner les frontières : ressources interactionnelles et technologiques dans des espaces contraints
Lorenzo Devilla  1@  , Bruno Bonu  2, *@  , Nicolas Duque Buitrago  3, *@  
1 : Université de Sassari
2 : Université Paul-Valéry - Montpellier 3
U.R. LHUMAIN, Laboratoire LHUMAIN
3 : Departamento de Filosofía, Universidad de Caldas
* : Auteur correspondant

Titre de la session

Décloisonner les frontières : ressources interactionnelles et technologiques dans des espaces contraints 

Des travaux interdisciplinaires sur les « frontières » (Auzanneau et Greco 2018) ont porté à juste titre sur la dimension praxéologique de leur constitution active accomplie par les participants dans des situations sociales spécifiques. Un autre versant de ces recherches, à orientation souvent politique et/ou artistique, porte sur la déconstruction, toujours situationnelle, des entraves, principalement institutionnelles, au déplacement d'individus et de populations (Fusco 1989). Cette session veut mettre l'accent sur comment dans des situations socialement et géographiquement éloignées, l'arrière-plan d'attentes des participants à des interactions est utilisé pour tenter de desserrer l'étreinte d'un espace social borné, à la fois physiquement, catégoriellement et institutionnellement. Ce travail s'inscrit dans la perspective de l'Analyse de Conversation d'Europe continentale qui porte un intérêt particulier aux ressources linguistiques et peut dialoguer efficacement avec l'Analyse du Discours. À notre connaissance, la parole produite en prison ne fait pas l'objet en sociolinguistique et plus largement en Sciences du Langage d'une attention particulière. Cette session du colloque veut contribuer à la compréhension des échanges ayant lieu en visioconférence dans le cadre de l'analyse d'un corpus rare, voire unique, enregistré en prison dans une perspective théorique et analytique d'étude de l'interaction et du langage. Ces tentatives produisent des trajectoires interactionnelles non linéaires, où des désaccords et des ajustements prennent place. C'est cette dynamique participationnelle dans des environnements contraints que ces communications veulent explorer dans des activités variées.

Première communication

Revendications de l'égalité de détenus-étudiants/étudiants, ou la lutte pour la « décarcérisation » interactionnelle

Dans la première communication, Devilla et Bonu analysent l'orientation revendicative de détenus confrontés à des situations d'études. Des détenus-étudiants demandent d'être traités comme « les autres étudiants », d'être en « synchronie avec l'université », dans un mouvement qui met en avant les aspects de l'activité non directement liés à la privation de liberté, mais aux études, entendues comme positives et libératrices. La perspective est celle d'une « décarcérisation » catégorielle (Bonu 2014, Chantraine 2004), lors du déroulement de réunions pédagogiques. Néanmoins l'orientation vers la contrainte réapparaît aussitôt dans l'argumentation contrastive des entraves pratiques s'opposant à la fruition des études, dans des lieux de privation de liberté (Devilla et Bonu, soumis).

Deuxième communication

Liberté émotionnelle et prison. Une réflexion à propos des áteliers d'écriture (2019) dans la prison “La Blanca” (Manizales, Colombie)

Dans la deuxième communication, Duque Buitrago présente l'expérience d'un atelier littéraire développé avec des détenus dans la prison “La Blanca” en Colombie dans le cadre du projet “Libertad bajo palabra” (Liberté sous parole). En particulier, il propose une analyse des témoignages et des histoires de vies de deux femmes détenues. Elles mettent l'accent sur leurs émotions, leurs idées de possession et dépossession de leurs corps comme un territoire de mémoire. Une idée persistante des détenues consiste à voir l'histoire incarnée dans leurs corps comme les traces de leur vécu. L'histoire est perçue alors comme un acte politique et une cartographie de trajectoires marquées par le destin (Baró, 1987). La vision d'une vie avec des possibilités déjà fermées et non modifiables est omniprésente. La prison émerge comme un lieu de bruit, de répétition, de rancœur, de honte et d'exclusion (Cabrera, 2002). Un contexte dans lequel il est difficile de communiquer, de faire confiance aux autres et de changer son parcours de vie.

Troisième communication

Illness versus Desease : expérience du patient et objectivation de ses pathologies en Téléconsultation

Bruno Bonu présente un travail en cours sur les Téléconsultations médicales dans des espaces ruraux en Colombie, mené en collaboration avec le laboratoire Telesalud. Ces échanges sont hybrides puisqu'ils mettent ensemble dans le même cadre de participation le malade, un médecin en présence et deux praticiens à distance en vidéocommunication, dont un spécialiste de médecine interne. Le but poursuivi par Telesalud avec les praticiens est de permettre l'accès à des consultations spécialisées aux habitants de petits centres ruraux. Elles demanderaient le déplacement du patient dans la ville de Manizales (capitale du département), en période pandémique. La prise en compte de cette contrainte de santé publique met en place un certain nombre de difficultés à résoudre, à la fois dans les formats de participation (Osorio et Bonu en préparation) et dans l'usage routinier de l'ensemble stabilisé d'attentes du patient et du personnel médical. Notamment, la participation de trois médecins favorise l'échange entre professionnels et les interventions du patient sont limitées, enfermées et encadrées par les contributions des praticiens.

Références bibliographiques

Auzanneau M. et Greco L. (dir.), Dessiner les frontières, Lyon, ENS Éditions, 2018, 238.

Baró, Martín. (1987). El latino indolente. Carácter ideológico del fatalismo latinoamericano. In M. Montero (éds.), Psicología Política Latinoamericana, Caracas: Panapo, 135-162.

Bonu, B. (2014). L'interaction de part et d'autre des barreaux : catégorisations dans la vidéocommunication. L. Greco, L. Mondada & P. Renaud (éds), Identités en interaction, Limoges : Lambert Lucas, 115-136.

Cabrera P. J. (2002). Cárcel y exclusión. Revista Del Ministerio de Trabajo E Inmigracion. Vol. 35, 83-120,

Chantraine, G. (2004). Par-delà les murs: expériences et trajectoires en maison d'arrêt. Presses universitaires de France.

Devilla L. et Bonu B. (soumis) La proposition interactionnelle des objets du savoir en milieu contraint : enjeux discursifs et conversationnels.

Fusco, C. (1989). The border art workshop/taller de arte Fronterizo: Interview with Guillermo Gómez‐Peña and Emily Hicks.

Osorio Ruiz N., Bonu B. (en préparation) L'intercompréhension interactionnelle en Téléconsultation.


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