14-17 juin 2021 Montpellier (France)
le théâtre universitaire Elisabéthain : entre normation et transgression
Gwendoline Guy  1@  
1 : Université de Paris
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Cette présentation vise à explorer les interactions entre le territoire théâtral et les langues qui y étaient utilisées dans le contexte de l'université de Cambridge au seizième siècle. De fait, le théâtre universitaire tel que joué à l'époque n'est pas seulement un espace, mais un territoire : il obéit à un jeu de règles distinct de celui régissait l'université, et existe dans des limites géographiques et temporelles clairement définies, là encore distinctes, bien qu'imbriquées dans celles de l'université. Ce théâtre apparait comme un territoire de normation, au sens foucaldien du terme : il présente aux étudiants qui y jouent ou assistent aux représentations une norme à la fois morale, éducative et linguistique à laquelle ils sont invités à se conformer.

À ce titre, les langues en vigueur au sein de ce territoire théâtral (le latin, le grec et possiblement l'anglais) paraissent, de prime abord, renforcer cette normation. Le latin utilisé à cette occasion est, dans une certaine mesure, différent de la lingua franca alors en vigueur à travers toute l'Europe : il s'agit d'une langue émulant les textes classiques et visant à présenter aux étudiants les tournures les plus élégantes et les plus susceptible de soutenir leurs pensées. Cet a priori est cependant mis à mal par l'existence de ces deux autres langues. Le théâtre en langue grecque apparaît dans l'université de Cambridge dans un contexte de polémique politique dont le cœur est précisément la langue grecque et sa prononciation, attachée à la nouvelle traduction du Nouveau Testament proposée par Erasme. Quand bien même les textes grecs des comédies et tragédies mises en scène au sein des collèges respectent une stricte norme littéraire, le son même de la langue apparaît comme une contestation de l'ordre établi. De même, la possibilité que l'anglais ait pu être utilisé pour une pièce de théâtre est elle-même une transgression des règles de l'université.

Notre propos, ici, sera donc d'explorer la dimension transgressive du territoire théâtral et des langues qui y co-existent. Nous nous attacherons à voir comment la norme cadrée et strictement implémentée du territoire théâtral s'associe à celle tout aussi cadrée des langages utilisés pour ouvrir un espace d'expérimentation, voire de transgression et de contestation au sein des universités : un territoire dont la nature normée, paradoxalement, ouvre un espace où les normes de l'université et de la société dans son ensemble peuvent être interrogées, voire dénoncées ou combattues.

Ce questionnement nous amènera d'abord à explorer l'expérience théâtrale universitaire et les normes qui y sont véhiculées, puis nous nous intéresserons à la manière dont langues et territoire théâtral sont ensuite subvertis pour exprimer les inquiétudes et les désaccords des scholars vis-à-vis des normes, et enfin, nous nous interrogerons sur les conséquences de ces interrogations et contestations sur les normes elles-mêmes, sur l'université et sur la société dans son ensemble.


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