14-17 juin 2021 Montpellier (France)
Occitan / Occitanie : grâce au virtuel, dépasser le virtuel ?
Christian Lagarde  1, *@  
1 : Centre de Recherche sur les Sociétés et Environnements en Méditerranées
Université de Perpignan Via Domitia : EA7397
* : Auteur correspondant

La multi-glossonymie (Gardy 2001, Boyer & Alén 2004) traduisant toujours un conflit linguistique latent ou avéré (Aracil [1965], Ninyoles [1969], Gardy & Lafont [1981] – dans ce cas, avec l'État français), l'occitan est une langue dont l'acceptation dénominative peine toujours à s'imposer, y compris en milieu universitaire, entretenant le doute sur sa réalité ou sa virtualité d'artefact en tant qu'ausbauspräche (Kloss 1967). Par ailleurs, la seule territorialisation (Viaut 2007) réelle obtenue – base considérée indispensable à la revitalisation (Lagarde 2005) –, d'émergence récente (2016), ampute considérablement le territoire « de langue occitane » (Occitanie moins les Pyrénées-Orientales ; Provence-Alpes-Côte d'Azur ; pour partie, Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes) tout en en favorisant l'identification : au plan des représentations, si Occitanie il y a, sa langue pourrait/devrait donc être l'occitan. La question est donc tout autant une affaire de représentations matérielles – cartographiques – que sociales – en lien avec les imaginaires et les idéologies (Lagarde 2021).

Cette base ambiguë, en l'état à la fois réelle, partielle, polémique et virtuelle, tant pour la langue que pour le territoire, peut-elle donner lieu à des politiques linguistiques capables, tant dans la région éponyme (Occitanie ‘réelle') que dans les autres territoires de l'aire linguistique qui n'en portent pas le nom (Occitanie ‘virtuelle'), de revitaliser l'occitan ? À ce titre, quel rôle l'OPLO*, assis sur les seules régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, peut-il être amené à jouer ? Dans quelles limites ? 

Par ailleurs, Viaut (2004) a proposé le terme « espace » comme alternatif et complémentaire à « territoire », pour rendre compte des nouvelles modalités communicatives en réseaux, susceptibles de réactiver la langue. Les pratiques et le prestige acquis dans cet espace sont-ils/seront-ils en mesure de contrebalancer des usages sociaux défaillants liés à des représentations toujours péjorées par un auto-odi (Ninyoles 1969 ; Alén & Colonna 2016) durablement inculqué et une glottophobie (Blanchet 2016) récurrente ? 

La conjugaison de l'espace (réel et virtuel) et du territoire (réel et virtuel) apparaît donc comme une équation complexe, riche de potentialités, où l'occitan et l'Occitanie auraient à gagner en entrant enfin dans la spirale vertueuse des compétences-usages-représentations positives, non pas tant dans une optique mono/unilingue mimétique de la domination subie, que dans un complexus pluri/multilingue où, loin de des menaces de substitution (Fishman 1991, Crystal 2000), la langue occitane pourrait trouver/prendre sa place. 

* OPLO : Ofici Public de la Lenga Occitana (groupement d'intérêt public (GIP) entre l'État et les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie)

Au-delà des indications bibliographiques sommaires (infra), on s'appuiera sur trois dossiers de presse (communication officielle de justification de la Région ; commentaires critiques du milieu occitaniste ; commentaires exaspérés des Nord-catalans sur leur inclusion ‘contre nature' en Occitanie).

 

Bibliographie sommaire

Alén Garabato, Carmen & Colonna Romain, dir. (2016), Auto-odi. La “haine de soi” en sociolinguistique, Paris, L'Harmattan.

Aracil, Lluís Vicent ([1965] 1982), « Conflicte lingüístic i normalització lingüística a l'Europa nova », in  Lluís Vicent Aracil, Papers de sociolingüística, Barcelona, La Magrana, pp. 23-38.

Blanchet, Philippe (2016), Discriminations : combattre la glottophobie, Paris, Textuel.

Boyer, Henri & Alén Garabato, Carmen (2004), « Occitan, patois, provençal...dans l'enquête "Famille" de l'INSEE-INED (1999) les dénominations de la langue d'Oc », Lengas, 56, 2004, pp. 301-318.

Crystal, David (2000), Language Death, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.

Fishman, Joshua (1991), Reversing Language Shift, Clevedon, Multilingual Matters.

Gardy, Philippe (2001), « Les noms de l'occitan / Nommer l'occitan », in Henri Boyer & Philippe Gardy, coord. Dix siècles d'usages de l'occitan. Des Troubadours à l'Internet, Paris, L'Harmattan, pp. 43-60.

Gardy, Philippe & Lafont, Robert (1981), « La diglossie comme conflit : l'exemple occitan », Langages, 61, pp. 75-87.

Kloss, Heinz (1967), « Abstandsprachen und Ausbausprachen », Linguistique anthropologique, 9, pp. 9-41.

Lagarde, Christian (2005), « L'institution du territoire : une clé pour les minorités linguistiques ? Les situations française et espagnole », in François Martinez, Marie-Christine Michaud (dir.), Minorité(s) : construction idéologique ou réalité ?, Rennes, PUR, pp. 201-215.

Lagarde, Christian (2021), « Entre continuums et frontières : explorer les limites en géo- et sociolinguistique », in Émilie Guyard & Nadia Mékouar-Hertzberg (éds.), Frontières dans le monde ibérique et ibéro-américain. Approches plurielles, Bern, Peter Lang, sous presse.

Ninyoles, Rafael Lluís (1969), Conflicte lingüístic valencià, València, Tres i Quatre.

Viaut, Alain (2004), « La frontière linguistique de la ligne à l'espace : éléments pour une schématisation », Glottopol, Université de Rouen, 4, pp. 6-22, <http://glottopol.univ-rouen.fr/telecharger/numero_4/gpl402viaut.pdf>

Viaut, Alain, (2007), « Le territoire linguistique et ses limites », in : Alain Viaut (dir.), Variable territoriale et promotion des langues minoritaires, Pessac, Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, 2007, pp. 47-63.

 


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