Le territoire marocain a connu, depuis le siècle dernier, plusieurs recompositions et divers projets de réaménagement. Ces projets de réaménagement font partie des instruments de domination et de contrôle des territoires par l'Etat marocain. De ce fait, plusieurs communautés ont été obligées de passer d'un système traditionnel[1] de la gestion de leur territoire à un système imposé par le pouvoir central (l'administration centrale). Et comme celui-ci ne tient pas compte de découpage local et de la charge symbolique et identitaire de ces territoires, ce passage d'un système à l'autre a provoqué, dans beaucoup de cas, l'éclatement et la désintégration des structures sociales, territoriales et langagières de ces communautés.
Pour illustrer ces propos, je propose d'étudier dans mon intervention l'exemple d'Achtouken comme modèle d'un groupement humain dans la plaine du Souss (sud-ouest du Maroc). Depuis une trentaine d'années, le territoire d'Achtouken ne cesse de connaître un processus d'urbanisation et de recomposition territoriale sans précédent.
Considérant les concepts de langue et de territoire comme étant des forces essentielles de survie d'une société, je tenterai de montrer comment ces deux concepts constituaient et constituent encore, en partie, les fondements d'une dynamique identitaire de cette communauté berbère du sud-ouest marocain (Souss). L'objectif principal de cette étude s'articule autour des questions suivantes :
- comment la dynamique identitaire de cette communauté berbère du Souss se manifeste-t-elle à travers la langue et le territoire ?
- comment cette société arrive-t-elle à résister aux diverses recompositions territoriales ? (et à la domination linguistique et culturelle d'aujourd'hui ?)
- le territoire constitue-t-il encore aujourd'hui une force de résistance pour cette société ?
La thématique qui sera abordée dans cette étude s'intéressera à analyser les rapports entre langue, territoire et identité. Cette thématique sera traitée ici selon une approche qui combine deux disciplines complémentaires : la sociolinguistique et l'anthropologie linguistique. Pour cette approche, la langue est avant tout une réalité sociale et culturelle qui n'est jamais coupée de son environnement spatial.
[1]Le terme « traditionnel » est employé ici, non pas dans ce sens péjoratif « primitif », mais j'entends par ce terme des implications culturelles et des valeurs locales.