La diaspora kurde de Montpellier est composée de ressortissants originaires de plusieurs pays (Turquie, Syrie, Iran et Iraq, ex-URSS), qui pratiquent plusieurs langues : principalement l'arabe, le turc, le persan, mais aussi l'arménien, le géorgien, l'ukrainien, le russe etc... Ils pratiquent aussi la langue du pays d'accueil, le français. Leur langue maternelle, le kurde, est pratiquée selon quatre variétés différentes, à savoir : le kurmandji, le dimilki (zazaki), le sorani et le gorani, ainsi que les variantes de ces dernières. Au sein de cette communauté coexistent également plusieurs croyances et religions. De ce fait, elle se présente comme une communauté multilingue et multiculturelle. La communauté linguistique kurde se revendique le plus souvent de différents courants de l'islam, mais aussi du christianisme, du judaïsme, du séidisme, de l'alévisme, etc. La religion de ses ressortissants peut être parfois la même que la religion dominante du pays d'où ils viennent mais peut également différer. La diaspora kurde de Montpellier, multilingue et multiculturelle, nous semble donc être un terrain de choix pour observer le lien entre le territoire, la langue et la religion.
La situation linguistique et religieuse des Kurdes montpelliérains nous amène à nous poser la question sur le lien qu'il peut y avoir entre la langue, la religion et les territoires (d'origine et d'accueil) dans une communauté linguistique ou dans des micro-communautés linguistiques. En mettant l'accent sur l'influence de la religion sur les communautés linguistiques, le terrain montpelliérain nous permettra de traiter des questions suivantes : a) comment la/les langue(s) et la/les religion(s) s'influencent-elles l'une l'autre ? b) quels sont les impacts qui pourraient mener cette communauté à se diviser en plusieurs micro-communautés linguistiques et culturelles ? c) quels sont les indices qui pourraient unir cette communauté linguistique ? et d) est-ce que l'appartenance religieuse contribue à construire une identité partielle et/ou plurielle ou bien commune en lien, par exemple, avec les territoires évoqués ci-dessus ? Notre but est donc, d'une part, de contribuer, d'un point de vue sociolinguistique, à mettre un éclairage sur les configurations sociolinguistiques à travers les représentations et les dynamiques spécifiques de la communauté kurde de Montpellier et, d'autre part, de nous interroger sur l'expérience multiple vécue par cette communauté entre territorialité éclatée, extraterritorialité et nouvelles territorialités.
Sur le plan méthodologique, la réflexion que nous proposons s'appuiera sur les observations participantes dans plusieurs familles issues de la communauté kurde de Montpellier s'inscrivant dans différentes religions ou dans les différents courants religieux de l'islam (alevi, ezidi, sunni, safii, hanefi...), au sein desquelles sont pratiquées différentes variétés de kurde. Nous allons choisir une personne dans chaque famille afin de réaliser un entretien semi-directif, orienté vers les représentations, les comportements et les attitudes, en construisant notre canevas d'entretien autour de trois notions centrales : langue, religion et territoire, tout en observant les pratiques de communication entre les membres de la famille et la communauté.
Sur le plan contextuel et théorique, nous nous appuierons notamment sur les travaux de F.A. Isambert, S. Houot, J.C. Kaufmann, R.L. Campiche, H. Bozarslan, I. Besikci, M. Bayrak, S.T. Ergul et S. Tanilli.