Le namtrik et l'awa-pit (13 000 et 8 000 locut. en 2005) sont deux langues amérindiennes actuellement menacées appartenant à la famille linguistique barbacoane (Curnow et Liddicoat, 1998), parlées par les communautés misak et awá dans les départements du Cauca et de Nariño en Colombie. Ces deux régions sont touchées depuis longtemps par le conflit armé interne – le plus ancien de l'hémisphère occidental –, entraînant des conséquences néfastes sur les communautés autochtones, et influant indirectement sur la conservation de leurs langues natives.
Parmi les facteurs socio-économiques et politiques qui portent atteinte aux droits des peuples indigènes nous pouvons évoquer la pénurie d'accès à l'éducation et à un système de santé, la destruction environnementale à des fins commerciales, la spoliation des terres, l'assassinat indiscriminé des civils et la négligence de l'État. Toutes ces situations en plus de l'écrasant statut de pouvoir de l'espagnol dans le pays, obligent les membres des communautés à se déplacer dans de nouveaux territoires dans la recherche de meilleures opportunités de vie/survie, influant significativement sur leurs pratiques langagières.
Nous souhaiterions montrer comment pouvons-nous contribuer à la revitalisation des langues en danger à travers l'implémentation d'ateliers thématiques (AT ou TERPLO), qui visent la création d'outils pédagogiques débouchant sur des propositions localement appropriées, à savoir en relation avec les dimensions territoriales des communautés, notamment l'autonomie ethnolocale. Nous analyserons donc les données collectées en 2017 lors des séances des AT avec des membres de la communauté misak[1], en nous basant sur la notion d' « état du monde » du « Modèle de pressions » de Roland Terborg, qui propose l'étude de la relation étroite entre les pressions idéologiques et socio-économiques des locuteurs et la conservation/assimilation de leurs langues natives. Le cas de la communauté misak met en évidence comment un groupe ethnique peut atteindre une certaine autonomie politique et territoriale comme produit du travail collectif de leurs membres, de chercheurs et d'entités locales : une « université populaire » et un collège agronome y ont été créés dans les dernières années, leur permettant de rester optimistes vis-à-vis la protection de leurs traditions orales et ethniques.
La réflexion sera menée de cette manière sur la mise en place des techniques d'écriture et de créativité collective (come la méthode des « communautés invisibles » et l'approche des « systèmes agraires ») dans la réalisation des AT, lesquelles permettent de sensibiliser les jeunes générations aux problématiques liées aux réalités territoriales. Ainsi, l'analyse du travail réalisé en AT sur la langue namtrik nous servira de guide dans la préparation d'une mise en place d'AT chez les locuteurs de l'awa-pit, en tenant compte d'une territorialité davantage menacée et moins auto-organisée.
[1] Lesdites données sont valorisées sur le site du LabEx EFL http://axe7.labex-efl.org/taxonomy/term/12