La langue en tant que système de signes est le miroir qui reflète le monde environnant. Le territoire où une langue est parlée constitue une partie intégrante de ce monde qui entoure le sujet parlant et représente un facteur important dans la construction de son identité.
La présente communication se donne pour objectif d'étudier la représentation de la bouche en tant qu'organe de la parole en français, en aroumain et en macédonien. L'analyse portera sur un corpus d'unités phraséologiques articulées autour du lexème « bouche ». Ces unités phraséologiques, dont les dénominations sont nombreuses (phraséologismes, phrasèmes, locutions figées), possèdent un trait qui les rend particulières au sein des signes linguistiques en général : elles établissent un lien entre la langue et la culture, voire la société en général, car leur caractère idiomatique et le mécanisme qui l'a créé sont propres à la collectivité qui les utilise et les transmet aux générations futures. Chaque peuple possède une richesse phraséologique et parémiologique dont la création a été dictée par ses conditions de vies géographiques, historiques et sociales. Cette richesse devient, par conséquent, un lieu privilégié pour une articulation entre l'analyse linguistique et celle des représentations collectives.
Quant à l'aroumain, idiome balkanique, il convient de dire que son statut linguistique n'est pas encore tranché dans les milieux scientifiques. Une langue à part entière ou un dialecte du roumain, notre travail ne se donne pas pour objectif de réfléchir à cette question étant donné l'évolution socio-historique et linguistique extrêmement complexe de la région des Balkans. Il s'agit d'un idiome d'origine latine, utilisé dans plusieurs pays balkaniques, tels la Macédoine du Nord, la Grèce, l'Albanie, la Serbie, la Bulgarie, la Roumanie. Dans ce travail, l'aroumain servira de langue-pont entre le monde roman et le monde balkanique en tant qu'espace géographique et culturel qu'il partage avec le macédonien.
L'analyse sémantique du corpus recueilli permettra tout d'abord de constater les significations et les valeurs que chacune des langues étudiées attribue à ce référent détenant la place centrale dans le processus d'articulation de la parole. Dans un deuxième temps, la confrontation interlinguistique de ces significations (mais également des formes qui les véhiculent) jettera de la lumière sur les similitudes et les différences dans les représentations collectives respectives. Notre intérêt particulier sera néanmoins articulé autour des points communs entre ces trois langues, démontrant ainsi l'importance de la proximité géographique dans l'évolution de la perception du monde.