Depuis quelques années, nous sommes en présence d'un public dont la France n'est pas la 1ère destination européenne, mais souvent la 2ème voire la 3ème. Ce phénomène migratoire est causé souvent par la crise économique et la perte d'emploi subie dans le premier pays d'accueil, comme pour les Italo- ou Hispano-Maghrébins qui ont choisi de s'installer en France. Nous avons opté pour désigner cette circulation migratoire à travers le terme « plurimobilité » « où « pluri » met l'accent sur la répétitivité et la complexité des trajectoires migratoires et « mobilité » – [à] connotation souvent positive – décrit le déplacement et « l'aptitude à accomplir ou à subir un certain nombre de changements d'ordre social » (Azzara, Villa-Perez 2020 : 145). Nous interrogerons les circulations et les hybridations des langues dans les répertoires des locuteurs, les pratiques de classe, les implications pour la formation des enseignant-e-s, en partant d'une question commune : quels outils conceptuels pour décrire et analyser les plurimobilités en sociolinguistique et en didactique des langues ? Les réflexions issues de ce questionnement s'organisent autour de 4 volets articulant langues, territoires et plurimobilités. Le 1er porte sur la déterritorialisation des langues d'étudiant-e-s italien-ne-s d'origine maghrébine en plurimobilité à partir d'une enquête de terrain ; le 2d interroge leurs perceptions littéractiques de la norme et de l'écriture inclusive en français ; le 3ème volet propose une réflexion autour des « gestes plurilingues » d'élèves en collège ; le dernier vise un regard plus englobant sur la formation des enseignants accueillant ces publics.
Interviendront :
V. Villa-Perez Dynamiques de plurimobilité en France. Sur la déterritorialisation de l'italien, des langues collatérales et de l'arabe d'Italie
Cette communication étudiera les pratiques langagières d'étudiant-e-s italien-n-e-s de l'Univ. de St Etienne en plurimobilité. Il s'agit de jeunes dont les familles ont longtemps résidé en Italie, originaires du Maghreb pour lesquels la nationalité italienne a facilité la mobilité en France. En nous basant sur l'analyse d'un corpus d'entretiens, nous nous demanderons, quelles pratiques langagières s'observent en plurimobilité ? Quelles langues sont « déterritorialisées » (Vermes 1988) lors d'une deuxième migration : l'italien, l'arabe dialectal, les langues collatérales ? Avec quelles reconfigurations du répertoire langagier ? Ce questionnement nous demande également de réfléchir aux buts de nos enquêtes de terrain et concepts de nos recherches (Calvet 2016).
S. Tomc Perceptions de l'écriture inclusive chez les étudiant-e-s en plurimobilité : quelles perspectives de didactisation ?
Dans le cadre de cette recherche exploratoire nous souhaitons entamer une réflexion sur les perceptions (Paveau 2007) de la norme et de la féminisation / dé-masculinisation de la langue française d'étudiant-e-s en plurimobilité afin d'ouvrir des perspectives sur la didactisation de l'écriture inclusive auprès d'un public migrant. Notre objectif est de développer une autoréflexivité chez les locuteur- trice-s, témoignant ou pas d'un affranchissement des traditions linguistiques (Viennot 2014). Leurs perceptions vont-elles dans le sens des usages normés et dissymétriques du masculin et du féminin ou s'y opposent-elles ?Nous développerons enfin une réflexion sur la place de l'écriture inclusive en formation des enseignants.
M. Totozani Élèves en plurimobilité : une posture plurilingue pour faciliter l'inclusion ?
Changer de pays, changer d'école, changer de « langue » : cette troisième communication se propose d'aborder la déterritorialisation des langues engendrée par les plurimobilités à travers une focalisation sur les postures de l'élève (Bucheton et Soulé 2009), conçues comme « diverses formes d'engagement dans les tâches » (Morel et alii. 2015). A travers une enquête exploratoire (entretiens et observations en UPE2A) menée dans un collège en banlieue lyonnaise, nous essaierons de montrer d'un côté que les élèves en plurimobilité développent une « posture plurilingue » en vue de favoriser leur entrée dans les apprentissages. D'un autre côté, nous avancerons vers une (re)formulation de ce que peut être une « posture plurilingue » à la lumière de nos analyses et de la littérature sur ce sujet.
M. Causa et M. Vlad Adaptabilité professionnelle : articuler terrain et monde éducatif
La DDL se construit désormais à la jonction de deux principes : la transversalité et les différents statuts des langues concernées. La reconfiguration du domaine interroge la notion de profils enseignants qui semble être dépassée si l'on accepte l'idée que l'enseignant (de et en langue) devrait désormais se positionner en tant que spécialiste du transversal (Gajo 2006). Le processus réflexif apparaît ainsi depuis plusieurs années comme une dimension essentielle de la formation initiale. Il permet l'articulation entre contextualisation, adaptabilité et professionnalisation, ces éléments constituant l'objectif prioritaire dans la formation de nouveaux profils d'enseignants plus conformes aux évolutions sociétales et aux politiques linguistiques et éducatives. Il sera question d'aborder cette articulation à travers la notion d'adaptabilité professionnelle enseignante.
AZZARA N., VILLA-PEREZ V., 2020, « Plurilanguaging et évaluation bienveillante. Une étude de cas sur les migrants adultes en plurimobilité » in Dinvaut A. & L. Biichlé (dirs.), Mieux vivre en langues, ou comment passer de l'insécurité à la bienveillance, la bientraitance, la coopération, Paris, L'Harmattan.
BUCHETON D., SOULÉ Y., 2009, « Les gestes professionnels et le jeu de postures de l'enseignant dans la classe : un multi-agenda de préoccupations enchâssées », dans Éducation et didactique, vol. 3, n°3.
CALVET L.-J., 2016, « Pratiques des langues en France. Oui, mais de quoi parlons-nous ? », Langage et Société, n°155.
GAJO L., 2006, « Enseignement bilingue. Un nouvel enseignant ? », Le Français dans le Monde, n° 347, Paris, CLE-International.
MOREL F. et alii., 2015, « Décrire les gestes professionnels pour comprendre les pratiques efficientes », dans Le français aujourd'hui, n°1.
PAVEAU M.-A., « Les normes perceptives de la linguistique populaire », Langage et société, 2007/1, n°119.
VERMES G., 1988, Vingt-cinq communautés linguistiques de la France, Tome 2 Les langues immigrées, Paris, L'Harmattan.
VIENNOT E., 2014, Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue, Donnemarie-Dontilly, Éditions Ixe.