Le mirandais, langue romane enclavée sur un petit territoire aux confins du Portugal et frontalier avec l'Espagne, dont l'histoire est pour Michel Cahen (2009) « celle d'une marginalité », témoigne d'un espace linguistique ancien, aujourd'hui pratiquement disparu que l'on a appelé astur-léonais (et auquel appartient également l'asturien).
La petite communauté mirandaise, composée actuellement d'environ 3500 locuteurs (dans un Etat, par ailleurs très homogène d'un point de vue linguistique, de plus de 10 millions d'habitants) a vu reconnaître officiellement ses droits linguistiques en 1999 avec la loi nº 7/1999 du 29 janvier : «Art. 2. O Estado Português reconhece o direito a cultivar e promover a língua mirandesa, enquanto património cultural, instrumento de comunicação e de reforço de identidade da terra de Miranda. ».
Je présenterai dans ma communication les résultats d'une enquête de terrain réalisée au printemps 2019, au moment du 20e anniversaire de la Loi n° 7/1999, sur le territoire de Tierra de Miranda (entretiens réalisés à Miranda do Douro, Sendin, Malhadas et Paradela) qui montre les effets paradoxaux de la reconnaissance officielle et plus précisément d'une gestion de par en haut d'une langue parlée sur un territoire très rural fortement appauvri et vieilli par les nombreuses crises économiques vécues par le Portugal et par les vagues d'émigration qui ont suivi. Les propos officiels, associatifs ou civils semblent éluder la réalité sociolinguistique à travers un discours fortement stéréotypé dans lequel le « mythe de l'officialité », fortement influencé par la gestion glottopolitique du pays voisin (surtout de la Galice), joue un rôle déterminant mais pas forcément positif.
Références bibliographiques :
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C. Alén Garabato, « Langues, variétés et politiques linguistiques : nouveaux conflits en contexte di/pluriglossique en Espagne », Hétérogénéité et changement : perspectives sociolinguistiques, Cahiers de linguistique n°2016422, janvier 2017, sous la direction de Marinette Matthey et Agnès Millet p. 79-87.
C. Alén Garabato, « Les défis des langues minoritaires/minorée face à la mondialisation au XXIe siècle », Etudes interdisciplinaires en Sciences humaines. Revue du CODFREURCOR (Collège Doctoral Francophone Régional d'Europe Centrale et Orientale en Sciences Humaines), 2018, n. 5, p. 144-157.
Ll. V. Aracill, Papers de sociolingüística, Barcelona, La Magrana, 1982 (1ère éd. 1966)
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H. Boyer , " Les langues minoritaires à l'encan ? De la " course à la "part du marché" " à l' " acharnement thérapeutique " : discours sur la dimension linguistique de la mondialisation. ", Territoires et promotion des langues, sous la direction d'A. Viaut, Bordeaux, MSH d'Aquitaine. 2007
H. Boyer H., "Le stéréotypage ambivalent comme indicateur de conflit diglossique", dans H. Boyer (Ed.): Stéréotypage, stéréotypes: fonctionnements ordinaires et mises en scène, Paris, L'Harmattan, Tome 4, 2007 .
M. Cahen, Le Portugal bilingue. Histoire et droits politiques d'une minorité linguistique : la communauté mirandaise, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009