Comme toutes les universités, l'Université dans laquelle je travaille accueille chaque année des étudiant·e·s du monde entier qui souhaitent obtenir un grade à l'international ou expérimenter la mobilité académique pour quelques mois (Détourbe, 2017). Ces personnes sont souvent tenues, lorsqu'elles ne peuvent témoigner d'une certification en langue, de commencer leur cursus par un parcours en français destiné à construire les ressources langagières considérées nécessaires pour mener à bien leurs études. Or, le parcours de ces étudiant·e·s met particulièrement en évidence que le degré de maitrise linguistique ne fait pas tout dans la compétence à étudier dans une nouvelle langue, et que les enjeux rencontrés le sont aussi souvent, mais de manière moins visible, par des personnes qui étudient dans leur principale langue de scolarisation.
La présente contribution s'intéressera ainsi à ce qui se joue, en termes de socialisation langagière et académique (Dubar, 2010), dans la réussite, le maintien ou l'échec des études. En particulier, il s'agira d'investiguer plus précisément la manière dont les étudiants parviennent plus ou moins à trouver leur place à l'université et à surmonter les enjeux de pouvoir rencontrés ou perçus.
Dans une perspective sociolinguistique critique, j'analyserai les trajectoires de trois étudiant·e·s : l'un inscrit en Français langue étrangère et souhaitant étudier une autre discipline en français après son Diplôme de langue ; la deuxième inscrite en Master FLE après une formation en Didactique du FLE en Algérie et en français, mais rencontrant de grandes difficultés pour valider ses travaux semestriels ; la troisième, enfin, scolarisée depuis toujours en français et dans la région, inscrite en Master dans le Département d'anglais après avoir abandonné le Français moderne à l'issue de son Bachelor parce qu'elle ne se sentait linguistiquement pas à la hauteur.
Le corpus sera constitué de travaux de type biographique réflexif (Zeiter, 2017) effectués dans le cadre d'un cours de Master sur la socialisation académique en L2. Dans ces textes, je montrerai les enjeux de pouvoir qui structurent le parcours des étudiant·e·s, des conditions de leur accès à l'université jusqu'à la validation de leurs cursus, en passant par leurs interactions avec leurs enseignant·e·s et leurs pairs. Je soulignerai en particulier comment la langue structure leur sentiment d'appartenance au monde académique, avec un impact certain sur leurs choix disciplinaires, leur réussite académique effective ou perçue et leurs perspectives professionnelles. En d'autres termes, je réfléchirai à la manière dont la langue des études matérialise toutes sortes d'enjeux, contribuant ainsi à configurer le territoire et l'identité académique des personnes.
Dubar, Claude. (2010). La socialisation: construction des identités sociales et professionnelles. Paris: Armand Colin.
Détourbe, Marie-Agnès (Ed.) (2017). Inclusion through Access to Higher Education. Exploring the Dynamics between Access to Higher Education, Immigration and Languages. Rotterdam/Boston/Tai Pei: Sense Publishers.
Zeiter, Anne-Christel. (2017). Imaginaire colonial, empowerment et appropriation d'une L2. Contextes et didactiques, 8, 23-31.