Le travail que nous proposons de présenter porte sur l'analyse de l'emploi des références à la langue dans le cadre de spectacles de « stand-up » ou humour sur scène. Le travail présenté se place dans le cadre d'un travail plus large sur les références aux variétés de langue dans des spectacles de comédie : les références aux variétés sociolinguistiques peuvent en effet y être utilisées comme ressort comique et/ou façon de s'identifier ou de créer des liens entre comédien et public, et révéler des rapports à la langue qui incluent, mais aussi dépassent, le cadre de la représentation. La territorialisation peut se placer dès le choix de la variété, dans la voix principale ou dans des voix rapportées, en relevant éventuellement de la « stylisation » (par ex. Coupland 2011a, b) ; elle contribue alors à la création de la « persona » de l'humoriste et/ou à la perception de celle-ci. En s'attendant à créer tel ou tel effet, l'humoriste s'appuie, par ailleurs, sur des représentations linguistiques et culturelles fonctionnant à plusieurs niveaux (Chauvin 2019).
Le travail présenté plus spécifiquement dans cette communication relèverait de l'analyse de références aux différences de variétés d'anglais dans le cadre de spectacles de comédie anglophones faits par des non-Américains aux Etats-Unis. En effet, l'un des ressorts des spectacles de comédie vivante, tournant de ville en ville ou de pays en pays, est de localiser une partie des remarques en faisant référence à l'endroit où se trouve le/a comédien/ne : le reste pouvant être relativement stabilisé, il s'agit d'insérer dans le spectacle des remarques plus individualisées, un spectacle d'humour se devant bien sûr d'être drôle, mais aussi de créer des liens de coopération et complicité avec l'auditoire (par ex., Double 2014). Or dans ce cadre, les humoristes anglophones non-américains tournant aux Etats-Unis peuvent être amenés à s'appuyer sur les différences entre leur propre variété d'anglais et l'anglais américain. Le choix des différences évoquées (particulières, et/ou recoupant des clichés), ainsi que la caractérisation des différences (comment sont-elles qualifiées, commentées, reliées à des remarques non plus sur la langue mais sur le territoire (cf. Niedzielski & Preston 2003) ou l'appartenance à celui-ci ?) est ce que nous étudierons. L'approche se voulant relativement détaillée, nous nous appuierons ici plus spécifiquement sur deux exemples, différents dans le temps et l'espace, mais également convergents : ceux d'Eddie Izzard, britannique, Dress to Kill (1998), enregistré à San Francisco, et d'Hannah Gatsby, australienne, dans Douglas (2020), enregistré à Los Angeles. L'identification de l'humoriste en tant que « non local/e » passe notamment par une référence explicite à des mots (ce choix, classique, sera commenté), les remarques mêlant observations linguistiques et commentaires culturels ; la nature de la prise de distance humoristique sera aussi examinée. La façon dont ces remarques s'articulent contribuent au positionnement de l'humoriste comme extérieur/ intérieur, et supposent une certaine mise en scène de l'appartenance et du/es territoire(s).
Références
CHAUVIN C., 2019, Révolution, évolution, ou statu quo ? A propos de l'utilisation des accents dans la stand-up comedy, Etudes de stylistique anglaise (ESA) 13, Révolution(s), 173-191, https://journals.openedition.org/esa/3395
COUPLAND N., 2001a, Dialect stylization in radio talk, Language in Society 30/3, 345-375
COUPLAND N., 2001b, Stylization, Authenticity and TV News Review, Discourse Studies 3/4, 413-442.
DOUBLE O., 2014, Getting the Joke: The Inner Workings of Standup Comedy, London, Methuen.
NIEDZIELSKI N., PRESTON D., 2003, Folk Linguistics, Berlin-New York, Mouton de Gruyter.